LA SAISON DE L'OMBRE
Leonora Miano
RÉSUMÉ
Nous sommes en Afrique sub-saharienne, quelque part à l'intérieur des
terres, dans le clan Mulungo. Les fils aînés ont disparu, leurs mères
sont regroupées à l'écart. Quel malheur vient de s'abattre sur le
village ? Où sont les garçons ?
Au cours d'une quête initiatique et
périlleuse, les émissaire du clan, le chef Mukano, et trois mères
courageuses, vont comprendre que leurs voisins, les Bwele, les ont
capturés et vendus aux étrangers venus du Nord par les eaux.
Dans ce roman puissant, Léonora Miano revient sur la traite négrière pour faire entendre la voix de celles et ceux à qui elle a volé un être cher. L'histoire de l'Afrique sub-saharienne s'y drape dans une prose magnifique et mystérieuse, imprégnée du mysticisme, de croyances, et de « l'obligation d'inventer pour survivre. »
MORCEAUX CHOISIS
" Les aïeux ne sont pas hors de soi, mais en soi. Ils sont dans le
roulement des tambours, dans la manière d'accommoder les mets, dans les
croyances qui perdurent, se transmettent. Les ancêtres sont là. Ni le
temps, ni l'espace ne leur sont des limites. Aussi résident-ils là où se
trouve leur descendance. Les humains ne sont pas des calebasses vides.
Les ancêtres sont là. Ils planent au-dessus des corps qui s'enlacent.
Ils chantent lorsque les amants crient à l'unissons. Ils attendent sur
le seuil de la case où une femme est en travail. Ils sont dans le
vagissement, dans le babil des nouveaux-nés. Les enfants grandissent,
apprennent les mots de la terre, mais le lien avec les contrées de
l'esprit demeure.
Les ancêtres sont là, et ils ne sont pas un enferment. Ils ont conçu un monde. Tel est leur legs le plus précieux: l'obligation d'inventer pour survivre... " Les femmes dorment. Dans leur sommeil, il leur arrive une chose étrange. Comme leur esprit navigue dans les contrées du rêve qui sont une autre dimension de la réalité, elles font une rencontre. Une présence ombreuse vient à elles, et chacune reconnaîtrait entre mille la voix qui lui parle. Dans leur rêve, elles penchent la tête, étirent le cou, cherchent à percer cette ombre. Voir ce visage. L'obscurité, cependant, est épaisse. Elles ne distinguent rien. Il n'y a que cette parole: Mère ouvre-moi, afin que je puisee renaître.... " "Il n'est pas bon de fuir devant l'épreuve, au risque de devoir en affronter une plus accablante... " Si l’enfant s’est présenté de la mauvaise manière ou, pire, s’il est venu au monde sans vie, l’accoucheuse a séché les larmes des pères, apaisé les angoisses devant l’interminable série de sacrifices à effectuer pour conjurer le sort. C’est elle encore, qui a préparé le mélange d’herbes devant servir lorsque les parents du mort-né seraient scarifiés. Ici, on leur trace un symbole sur la peau, afin que la mort se souvienne qu’elle leur a déjà ravi un enfant... | AAA |